Be_A translator

And a happy one!

Du grec νεο.

 

L’Eurogroupe est sur ses gardes alors que la « rilance » de Mme Lagarde a tourné en « austéricide ». Un néoclassique.

Dans les pays périphériques de la zone euro, des politiques budgétaires méga strictes et mégalos ont été plus des saignées que des injections. Un démantèlement démentiel, quoique démenti, de la structure et du tissu économiques qui, plus que stimuler l’économie, a exacerbé la Dépression.

Alors qu’une partie de plus en plus grande de la population de ces pays se voit contrainte de réclamer sa pitance, c’est le cordon de la potence qu’il faudrait couper. Ne plus laisser faire. Ne rien laisser passer.

Mais comme nous le rappelle cet article, c’est que la notion d’austérité en tant que telle n’existe pas en allemand et que le principe de faire des économies y revêt une connotation forcément raisonnable, donc favorable.

Sauf que dans la pratique, faire faire des économies équivaut à défaire les économies.

 

En France, l’« ubérisation » de l’économie serait tout autant une défaite. J’entends déjà la réplique d’un taxi parisien :

« Je vais vous dire, moi, ma p’tite dame. Réinventer l’économie, on n’a jamais vu ça ! Mais quelle bande d’« huluberlus ».

Ça me rappelle un tweet :

Taxi_arrangement

Pourtant, depuis longtemps déjà, les « ubermarchés » (du grec ancien ὑπέρ, hupér) ont assassiné les petits commerces et sabré petits producteurs, fournisseurs et artisans.

Rien de neo sous le soleil.

Heureusement « Deutschland über alles » (l’Allemagne au-dessus de tout »).

[Mise à jour 08/06/2016 : enfin, un peu de neuf, puisque le langage évolue… Après               « l’économie de plateforme », « l’économie de plateformes » ou « l’économie des plateformes », entendu ce jour dans les matins de France Culture : « la plateformisation de l’économie » (NKM). Deux lectures à ce sujet (il est grand temps de se recycler) : « Le monde selon Uber » (Le nouvel économiste, 13/04/2016) et « Le buzzword de l’année 2016 ? Plateformisation » (Journal du net, 05/01/2016) ]

 

Pendant ce temps, en Espagne, plus qu’une défaite, c’est la débâcle à coup de politiques bâclées. Ici aussi, on sabote, on fait à la diable. Une loi dite de sécurité citoyenne est entrée en vigueur hier. Ironiquement, elle préconise des mesures plus néo-fascistes que néo-conservatrices. À défaut de veiller aux affaires de la cité, l’on met en place un État policier. Cette « loi du bâillon » servira certainement d’anesthésiant pour doucereusement endormir les citoyens au cas où le ballon rond et la télé-réalité n’étaient pas suffisants. C’est qu’il a bien fallu que le mouvement du 15M, Podemos et les diverses gauches, populaires eux, trouvent une brèche quelque part pour faire entendre leurs voix — selon l’acception « son » ou « chant » pour le premier et « vote » pour les autres. Il faut bien les contrer ces jeunes néophytes. Les caricatures du gouvernement et de la famille royale via les réseaux sociaux sont désormais réputées « apologie du terrorisme ». Mais on était Charlie et les islamistes sont des charlots. Les manifestations assises et la résistance passive sont désormais strictement interdites. Un barrage contre le pacifique. Une pseudo-sécurité en rien rassurante. Une réalité détestable qui ne peut que déstabiliser un pays.

 

Venons-en à la Grèce.

Sans doute désormais montré du doigt, c’est à Paul Krugman que l’on doit « Grisis ».

Crise. Crise de la dette grecque. Disent-ils.

« Dans la médecine hippocratique, en effet, la crise désigne la phase de la guérison/rémission » (Vincent Duchaussoy).

La rémission par la réémission de monnaie ? Démission ? De qui ? La mission est périlleuse. La remise sur pied de l’Europe après descente de son piédestal aussi.

On parle de « Grexit ». Et je me demande : l’issue est-elle une sortie de la Grèce suite à la crise ? Et si la sortie de crise venait de la Grèce ?

Sauf que, pendant ce temps, on nous parle de nous désolidariser de la Grèce, de « dégrécer » le mammouth en quelque sorte. Avec l’Allemagne, impossible de « (sy)rizaliser ».

Je vois déjà les panneaux « Bienvenue en Europe. Un néo-continent sans un poil de Grèce ».

[Mise à jour 08/06/2016 : « Grexit » et « Brexit » ont fait leur entrée dans le dictionnaire.]

L’économie, qui n’est pas une science exacte, ne pouvait être qu’un terrain propice à ces évolutions du langage, car toute en mouvance.

À noter l’évolution un tant soit peu curieuse du terme « néologisme » lui-même, d’« habitude de langage fautive » à manifestation d’un état psychiatrique délirant, en passant par les détours de langage, voire une dimension péjorative de « caprice » (je vous renvoie au cnrtl).

Un article extrêmement intéressant abordait, il y a déjà quelque temps, les nouveaux mots de la crise. Même si les traducteurs militent généralement pour l’enrichissement du vocabulaire et sont friands de néologismes, je pense que la plupart de mes collègues me suivront : plus qu’amusants, certains mots nouveaux (et les concepts qu’ils emballent) sont navrants, laids et perfides. Hupér vides de sens. Aussi.

 

Ce qui m’intéresse surtout dans les nouveaux concepts et les néologismes, ce n’est pas tant comment les traduire (d’ailleurs ceux désignant des concepts « universels » naissent en parallèle ou se traduisent les uns les autres — je pense à « austéricide/austericidio » [lequel apparaît en premier ?]), mais ce qu’ils traduisent.

Car sous la mouvance des concepts et des termes qui les accompagnent — ou les rebaptisent si l’on en croit la racine grecque —, il y a mouvance des acteurs. Éventuellement celle des peuples s’ils font preuve d’initiative, disposent d’une marge de manœuvre, se mobilisent et/ou s’indignent.

Le financement participatif (de l’anglais « crowdfunding ») élargit son champ d’action et la société inscrit désormais l’économie dans les projets auxquels elle veut contribuer.

On voit ainsi émerger une sorte d’appétence des individus contre l’appétence (ou appétit) pour le risque des investisseurs (et pas petit) et l’incompétence des technocrates. Le renflouement, ou j’oserais dire « le renfoulement » de la part des citoyens/particuliers/individus avec une vision collective face au flou et à l’incertitude prônés par des dirigeants fous, collégiaux mais avec une vision eurocentrique (euro-et-égocentrée, j’entends) qui ne font guère montre d’un sens prononcé de l’orientation mais nous orientent plutôt vers une guerre économique écrite d’avance, où les oligarchies néolibérales font main mise sur ceux qui travaillent de leurs (petites) mains.

Un vent nouveau nous venant de Grèce ? Utopique, sans doute. Je me prends pourtant à espérer.

« Démo ». Entre la volonté de démocratie des uns et la démagogie des autres, peut-être serons-nous capables d’inventer ou de réinventer quelque chose. Pourquoi ne pas miser sur la « démogratie », la mobilisation de tout un chacun pour continuer à construire le bien-être des peuples face à la démo-bilisation des politiques et la démo-lition du tissu économique (et humain) au service des magnats de la finance.

Reste à en faire la démo-nstration.

« Démo ». Ou tout simplement, des mots nouveaux pour des maux vieux comme le monde. Et fous comme lui.

 

 

***

Pardonnez-moi l’expression. Ce billet d’opinion à forte connotation politique est écrit en marge de mon activité. La traductrice exerce un métier de communication ; le traducteur économique s’imprègne forcément de l’actualité. Et il arrive que ses propres mots risquent de faire irruption à n’importe quel moment du jour ou de la nuit. S’imposant, il faut bien qu’ils se posent quelque part. Sans compter que « catharsis », aussi, nous vient tout droit du grec.

 

Je signe ce billet spartiate, le plie et le supplie et je le range dans ma poche.

Je peux retourner à mes traductions impartiales.

 

À moins que tout cela ne soit qu’une simulation informatique.

« Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans le monde » (Néo – Matrix)

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