Be_A translator

And a happy one!

Vous vous demanderez ce qu’elle fait.
Vous vous écrierez qu’elle n’écrit (plus) rien.
Vous soufflerez en douce qu’elle ne manque pas d’air.

Ne la maudissez pas.
Peut-être n’a-t-elle tout simplement pas son mot à dire…

Ou alors…

Et si la réalité était toute autre ?
— Devinez.
Allons, un petit effort…

(Silence)

— Vous ne voyez pas ?

(Silence)

— Vraiment pas ?

(Silence)

— Bon.
Eh bien, voyez-vous, elle joue.

(Plus fort)

— J’ai bien dit : « elle joue ».

 

Elle joue.

Elle passe sa vie à jouer. C’est tout à fait son genre.

Elle touche à tous les genres certains jours.

Elle enchaîne, elle chuchote, elle récite, elle fredonne.

Elle joue avec le clavier, avec un crayon à papier, avec des post-it, avec Twitter, avec un stabylo, avec un stylo (rouge).

Elle joue avec la lumière, avec un dico, avec sa chaise, avec un logiciel, avec un précis.

Elle joue avec les mots.

Surtout.

Sur tout.

 

Elle joue à dompter les mots récalcitrants qui jouent eux-mêmes avec ses nerfs…

Elle joue son avenir et sa crédibilité.

 

Elle joue un drôle de rôle.

Elle joue sur tous les tableaux.

Elle change de casque(tte).

Dans la coulisse. Un écran pour rideau.

Peu de temps pour souffler pourtant.

À peine pour reprendre son inspiration.

 

C’est rock n’ rôles, oui.

 

Elle joue. Elle est truchement, mais ne triche pas.

Elle joue dans la nuance.

Elle joue, dans tous les sens du terme.

Elle joue à démasquer, à recadrer, à représenter.

Elle joue la précision.

À la perfection.

 

En fait, elle joue tellement qu’elle en oublierait ses muses.

Il faut bien quand même que ça l’amuse parfoissouvent.

Il y a longtemps, sinon, qu’elle aurait décroché.

 

Un autre rôle.

 

Quitter la scène. Âme-usée.

 

Au lieu de cela, elle continue ses essais. Elle planche.

Elle persévère. Elle s’efforce. Elle y consacre toutes ses forces.

 

Pour mieux faire et parfaire son ouvrage, elle se le répète tous les jours.

Et elle répète. En mouvement.

Elle répète des segmentsphrases, des paragraphes, des pages entières, des textes, des publications, des livres.

Elle répète de longues tirades, des messages, des secrets, des dialogues même.

Elle répète inlassablement les mêmes manipulations tout en variant les tournures et le style.

Elle répète et articule son texte.

Elle répète et redit dans une autre langue.

 

Une œuvre de tous les jours en plusieurs actes

qui la laisse parfois sans parole (et sans entracte).

 

Elle joue à écrire la « comme est dit ».

Et ce qu’elle écrit, c’est dans (le) texte.

 

(Silence)

— Y trouvez-vous quelque chose à redire ?

 

(Rideau)

2 réflexions sur “La tradactrice

  1. ncantono dit :

    Fantastique ! Un billet doux-amer d’une de nos Colombine et Arlequin, aux costumes rapiécés, sans public, sans murmure : troupe de baladins, mêlant premiers rôles et cabotins.
    Compliments d’un humble figurant.

    1. Béatrice dit :

      Un certain public est quand même fidèle ;-). Merci, Nicolas !

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