Chronique d’une formation hippiqueépique.
J’oserais presque signer Madame de Stalles* tant je livre cette chronique tardivement. [*Voir liens vers les lexiques en bas de page]
La fin de l’été, puis l’automne n’ont pas été de tout repos et il a bien fallu ménager ma monture. Je me devais quand même de publier ce billet avant la fin de l’année, même si je teste une nouvelle technique pour le blog (et, dans la mesure du possible, pour les dossiers, même si les délais et les impératifs ne sont pas les mêmes) : laisser le texte reposer. Un éloge de la lenteur, en quelque sorte. [Ah bon, on n’avait pas remarqué] Premier jet + biffer, ajouter, supprimer, déplacer, reprendre le texte… Deuxième jet (et rebelote), etc. [Tiens, ça me rappelle quelque chose] À titre d’illustration, j’ai choisi de laisser quelques corrections réelles ou tournures fantaisistes dans ce texte. Autant dire que les bénéfices de cette formation ne cessent de se faire sentir ! Sans doute, dussé-je également expier mon absence de participation au concours de traduction postérieur pour exposer ainsi ainsi exposer mes ratures publiquement. Quelle audace !
Mais place à la course !
La traduction, c’est notre péché miniondada. Pour preuve : nous étions nombreux à nous être inscritsnombreux étaient les inscrits à « On traduit à Chantilly », première édition européenneen Europe des séminaires et/ouet rencontres de la série « Translate in [somewhere]/On traduit [quelque part] ». Après un quarté gagnant en Amérique du Nord {Translate in the Catskills (2011) ; On traduit dans l’Estrie (2012) ; On traduit à Québec (2013) et On traduit dans les Laurentides (2014)}, le meeting prenait cette fois des allures de grand Derby (car il faut rendre à Chantilly ce qui est à Chantilly…). Et à guichet fermé, s’il vous plaît. [telmankizéténombrœ]
Pour y assister, quelques irréductiblesces professionnels passionnés n’ont pas hésité, en ce début du mois d’août, à consacrer quelques précieuses journéesjours précieux : (plusieurs optionsréponses possibles)
- De travail
- De congés
- De semi-vacances (pseudo-vacances ?)
- De vacances en famille
Les plus fougueux ont même traversé l’Atlantique ou sont même, voire sont venus de plus loin… Et dans le lot, les plus dociles s’attelleront à nouveau à la tâche en fin de journée [qui donc se reconnaîtra ? ;-)]. Quelle folieQuel beau mental !
Et qQu’est-ce qui pouvait donc bien les amener à changer de casaque et à troquer, en aoûtau cœur de l’été, le surf pour le turf ? Les pistes animées par des disc-jockeys pour un jockey-club en bord de piste ? L’ipod pour un hippod’ ? [Ne serait-ce pas là un peu tiré par la crinière ?]
VoiciJe vous donne quelques pistes :
- Le cadre était alléchant attrayantsomptueux (j’ai envie d’écrire irrésistible).
- Le programme tout autant.
- L’ambiance se voulait sérieuse studieuse mais sur un terrain léger…
Placée cet été sous l’égide de la SFT, On traduit à Chantilly (hashtag mot-dièse #OTRAC) se présentait comme une formation, d’une part, ludique et décontractée et, d’autre part, enrichissante et nécessaire. Si j’avoue être friande de formations, force m’est de reconnaître queje me laisserais moins tentée en plein été par une énième formation d’informatique, de compta, de conseils de démarchage ou de tuyaux en tous genres« utilitaire » ou liée à ma spécialité, quoique toutes très honorables. En revanche, une formation abordant les questions de style est plus séduisanteengageante. Et puis, d’autant qu’elles sont moins nombreuses et qu’il est appréciable de s’arrêter quelques jours pour s’y consacrerd’y consacrer quelques jours. C’est qu’on n’a pas assez Nous n’avons guère le temps de le faire systématiquement entre deux (hormis grâce au concours de quelques relecteurs dévoués permettantfavorisant les de nombreux retours et les échanges), et pas assez calmement ou avec suffisamment de recul en tout cas. Or, c’est finalement ce qu’on aime le plus : rédiger, décortiquer le puzzle du texte source pour le restituer fidèlement et habilement, traduire, écrire, peaufiner… La SFT propose des formations de ce genrela sorte sur plusieurs semaines à Paris, auxquelles nous ne pouvons pas tous participer. Alors en trouver une intensive pendant les grandes vacances, quelle aubaine ! Avec un autre attrait puisque rendez-vous était pris en Europe. Ce serait l’attrait décisif. On traduit à Chantilly, ça a été pour moi la formation de l’année [« the formation », en bon français].
Ah, ils Sont Fous ces Traducteurs… ! Ou pas. Quoi de mieux, en effet, que de se mettre en vert pour s’entraîner ? Peut-être ne savent-ils pas s’arrêter. Ou ne le veulent-ils pas. Et si la question ne se posait même pas ou était ailleurs ? Cultiver sa passion, rester dans la course, évoluer sur d’autres terrains et progresser vont certainement de soi dans ce beau métier. Et l’écurie use plus le cheval que la course, dit-on…
Ces trois journées ont été savamment orchestrées par de vieux poulainsdesdes purs-sangs pour le plus grand plaisir des participants. Schéma de la coursede ces journées :
« Allô, docteur Termino ? »/« The Word Doc » : mise en bouche en tout début de matinée sur un terme épineux. Par exemple : le fameux verbe « permettre », si cher à Dominique Jonkers (voir le blog Traduction anglais-français de René Meertens. Ici aussi)
Le « Traduel »/« Slam » : une rencontre au sommet où des traducteurs professionnels chevronnés croisent le faire sur un texte d’actualité. Un exercice de haute voltige ! Et nous nous sommes régalés à les voir expliquer, défendre, voire critiquer leur version. Hummm pour humilité, humour et traductions humaines. [Non, personne n’est monté sur ses grands chevaux.]
NB : ces deux premiers rendez-matinaux ont presque fait office de rond de présentation des différents intervenants — tout au moins pour ceux qui ne les connaissaient pas —, et auront permis d’en admirer le panache. [Je me permets, mais ça mériterait sans doute une correction.]
Petite curiosité : lors d’un débat animé autour du terme « bobo/Boboland » cité dans l’article de Charlie hebdo ayant servi de pré-texte au « Slam », j’en déduis que, pour un public anglophone, les bobos seraient mi-hippsters, mi-hippies… Et pardonnez-moi l’orthogaffe : j’ai beau être concentrée, je relève parfois la tête sur les pistes et mon crayon s’emballe.
OTRAC, ce sont aussiensuite des ateliers : variés, intéressants, participatifs, au goût du traducteur. Dans le désordre : yoga syntaxique et gymnastique du texte ; style du marketing ; macroéconomie ; traduction littéraire ; révision/correction [comment dresser ou redresser un texte] ; ponctuation ; gallicismes ; traduction pour le monde de l’entreprise ; adaptation publicitaire, etc.
Mon classement des points positifs (pour reprendre l’ingénieux « top 5 » de Chris Durban) [oui, c’est un peu private joke]
- Les formateurs : la crème de la crème
[j’y avais pensé comme titre pour cette chronique]
- L’aspect formation/transmission, collective et horizontale (prendre le temps de décortiquer ensemble, mettre en commun/échanger, apprendre, enrichir)
- Le travail sur la richesse de la langue, notamment l’occasion de redonner
à la musicalité d’un texte toute sa placetoute sa place à la musicalité d’un texte (rythme, figures de style). [J’en tiens bien plus compte à l’heure de prendre certaines décisions.] - Le public passionné et plutôt docile, et l’ambiance fair-play (quelque coups de cravaches auraient pu se perdre face à certaines de nos maladresses)
- La diversité : des profils et des horizons, des sujets et des ateliers, des méthodes et des ressources. Et des accents !
Autre bonus : un « Et vous, c’est quoi votre technique de réseautage ? », lancé lors d’une pause-café. J’ai testé chaque jour ceci : déjeuner avec une personne que je connaissais déjà et d’autres, pas du tout. Pas complètement audacieux, mais cela a porté ses fruits !
Un Parispari gagnant, cette formation ! Ou comme diraient mes petits neveux « Vraiment trot bien ! »
Je me place pourtant du point de vue de ceux prenant le départ à Paris chaque matin (les outsiders ?). Ayant fait le choix d’y loger, j’ai donc omis le volet festif de l’évènement : drinks, dîner royal au Potager des Princes, visites du site [qu’on m’a dit]. Nous avons, les outsiders, misé gros : après une galopade dans les rues et les couloirs de la capitale, nous devions encore remporter la course d’obstacles sponsorisée par la SNCF (retards, panne, absence de clim’). Nous avons quand même apprécié les conversations animées dans le train (groupe un peu plus nombreux chaque jour) et la marche matinalede bon matin à travers les petits sentiers du sitesous-bois.
– Bon, et que se passe-t-il après ? Car, il y a bien un avant et un après, non ?
– Assurément. On veillera à vite se remettre en selle, et on n’est pas à l’abri de retourner à son bureau, tout nostalgiquecafardeux… [sans virgule, n’est-ce pas le bureau qui semble cafardeux ?]
Mais c’est aussi un exercice plaisant que l’après : la motivation atteint des sommets ; on trouve vite de quoi mettre en pratique ce qu’on a appris ; les textes — même rébarbatifs — se mettent à chanter davantage [enfin peut-être pas quand même] ; on a élargi son réseau ; on peut envisager de nouvelles collaborations, soit qu’on ait fait de belles rencontres, soit qu’on ait plus de vivacité… On pourra ainsi prendre une longueur d’avance (en se montrant plus rapides, en ayant plus de réflexes et d’agilité et les méninges qui vous titillent, ou en faisant montre d’un style épuré et plus concis). On se sentira (encore) plus à l’aise sur des textes rédactionnels, et ce dès le premier jet et on saisira plus habilement le message et l’intention du client. Ah « ces lendemains qui Chantillyent » où les élans foisonnent !
Et puis, il nous restera toujours l’abonnement au PMU (Pour un Meilleur Usage) et :
Des Pépites sur le bout de la langue
En suivant la méthode de François Lavallée consistant à « désactionner » notre pilote automatique, nous avons été invités à nous réapproprier le sens des mots et expressions (c’est-à-dire à ne pas associer trop rapidement et systématiquement tel terme anglais à tel terme français) et à éviter les sous-traductions, les calques, le manque de précision, le manque de naturel. Depuis « On traduit à Chantilly », chasser le naturel est difficile ; il revient… au galop !
Les lendemains qui Chantillyent, c’est aussi un concours de traduction à la fin de l’été. Messieurs et mesdames les juges, attendez-vous à un photo-finish ! [Moi, j’ai carrément raté le coche.]
La prochaine édition (été 2016) aura-t-elle lieu à Broadway ? Dans la campagne anglaise ? Ailleurs ? Les paris sont ouverts !
Merci à tous pour cette belle formation !
[Mise à jour mars 2016 – Les jeux sont faits : ce sera Translate in Cambridge/On traduit à Cambridge du 8 au 10 août !]
PS : à vos stylos rouges, bien sûr, si vous souhaitez apporter des corrections à cette chronique.
Quelques liens pour les curieux (et les autres) :
Introduction aux courses hippiques françaises
Les chroniques du turf de Michel Morice
Photo bea_translator (Instagram)
Merci Béa pour cette chronique. C’est vrai, il nous fallait un Chantilly pour ne plus traduire avec des œillères.
Oh, l’expression m’avait échappé ! Au plaisir de partager champ de course (et champ lexical !). À Cambridge peut-être ?